Série Ergon (19 images). La radiographie peut être considérée comme l’empreinte différée de votre corps, ou à l’opposé comme le théâtre anatomique qui fait disparaitre votre peau, votre personnalité… Bref, la radiographie révèle autant qu’elle masque. Partant de ce paradoxe, j’ai tenté dans la dernière série de faire apparaître le vide qu’il y a entre deux mains, radiographiant là encore, ce que ces machines ne peuvent pas enregistrer habituellement.
Je me suis donc amusé à confronter une empreinte différée (radio-photographique) avec une empreinte réelle. La radiographie devient ici une affaire de sculpture. La transparence restitue la 3e dimension dans l’intimité de l’empreinte où la main disparaît, et les rayons X traduisent la trace des mouvements de la main sur la matière, dessinant ainsi une radiographie singulière du temps.
La radiographie confine ici à l’inframince de la langue qui déforme une joue. Elle ouvre à un imaginaire formel et poétique, à la croisée de la tradition anatomique de la céroplastie, de l’imagerie 3D, de l’ergonomie osseuse du corps humain, comme des mains pariétales.
Jouer avec la radiographie numérique m’a permis de montrer que cette imagerie est révélatrice de notre époque ; elle ne documente pas seulement nos traumas individuels, pas plus que la photo ne permettrait d’archiver véritablement notre quotidien. En fait, la radiographie est aussi le théâtre anatomique qui véhicule les croyances ou les idéologies de notre société. Ainsi, “jouer” avec l’empreinte m’a permis de comprendre que le numérique a confondu la trace et son interprétation, brouillant ainsi les frontières entre document et art ou entre vérité et “réalités” alternatives.
L’usage de la radiographie sur le corps humain à des fins non médicales est interdit, article L1333-11 du code de santé publique, mention ASN